La modification possible d’un régime fiscal de faveur ?

Un régime fiscal incitatif temporaire peut être modifié par le législateur sans méconnaître le principe fondamental de sécurité juridique à condition de ménager un juste équilibre entre l’atteinte portée aux droits du contribuable et les motifs légitimes susceptibles de la justifier.

Le principe de sécurité juridique : un principe intangible ? Un régime fiscal incitatif offre des avantages fiscaux spécifiques à certaines catégories de contribuables ou à certains types d’activités afin d’encourager des comportements spécifiques, tels que l’investissement dans des secteurs stratégiques ou le développement économique. Sa modification par le législateur peut affecter le principe fondamental de sécurité juridique qui vise à garantir la stabilité et la prévisibilité du cadre juridique dans lequel les individus évoluent. Le législateur a néanmoins le pouvoir et la responsabilité de modifier les régimes fiscaux en fonction des évolutions économiques et des intérêts généraux de la société. Il peut en effet être nécessaire de réévaluer les régimes fiscaux incitatifs pour veiller à ce qu’ils atteignent leurs objectifs et qu’ils restent justifiables du point de vue de l’intérêt public. Il est jugé que la modification d’un régime fiscal incitatif temporaire est ainsi possible à condition toutefois de ménager un juste équilibre entre l’atteinte portée aux droits et les motifs d’intérêt général susceptibles de la justifier.

Les faits. Une société, créée en 2010, est installée au sein d’une zone franche urbaine (ZFU) et bénéficie à ce titre du régime d’exonération temporaire d’impôt sur les bénéfices (CGI art. 44 octies A). L’administration, à la suite d’une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos au cours des années 2013 à 2015, a partiellement remis en cause le bénéfice de ce régime de faveur à raison de l’activité exercée en dehors de la ZFU, se basant sur de nouveaux critères instaurés par le législateur en 2013 modifiant ceux du texte originel de 2006. La société conteste.

La décision du juge. Il rappelle que pour les exercices clos à compter du 31-12-2013, lorsque le contribuable n’exerce pas l’ensemble de son activité dans les ZFU, les bénéfices réalisés sont soumis à l’impôt sur les bénéfices au prorata du montant hors taxe du chiffre d’affaires réalisé en dehors de ces zones, et non plus au prorata des bases de cotisation foncière des entreprises comme le prévoyait le dispositif d’origine. Il ajoute qu’un régime fiscal incitatif dont le bénéfice est garanti par la loi pour une période de temps limitée peut faire naître une espérance légitime à laquelle la modification du dispositif législatif est susceptible de porter atteinte au regard de l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales. Il ajoute néanmoins que ces stipulations ne font pas obstacle à ce que le législateur adopte de nouvelles dispositions remettant en cause, fût-ce de manière rétroactive, des droits patrimoniaux découlant des lois en vigueur, à condition de ménager un juste équilibre entre l’atteinte portée à ces droits et les motifs d’intérêt général susceptibles de la justifier. Il relève en l’espèce que les dispositions contestées n’avaient porté qu’une atteinte limitée à l’espérance légitime de bénéficier de l’exonération, dès lors qu’elles n’en avaient pas supprimé le principe, mais s’étaient bornées à en rationaliser les modalités de calcul selon des critères plus conformes à l’objectif poursuivi, le législateur ayant voulu mettre un terme à certains effets d’aubaine excessifs induits par les modalités antérieures. Le juge donne ainsi raison à l’administration fiscale.

CE 18-9-2023 n° 471851
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