Prêt d’une SARL à son gérant annulé : l’action en responsabilité contre lui se prescrit par trois ans

La société qui assigne son ancien gérant en paiement de dommages-intérêts à la suite de l’annulation d’une convention de découvert en compte doit agir dans le délai de prescription triennale de l’action en responsabilité contre les gérants.

Rappel du principe

Il est interdit au gérant d’une SARL de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la société, de se faire consentir par elle un découvert, en compte courant ou autrement, ainsi que de faire cautionner ou avaliser par elle ses engagements envers des tiers (C. com. art. L 223-21). Cette interdiction s’applique à toute personne interposée (même article), c’est-à-dire lorsque le gérant est bénéficiaire réel du prêt, du découvert ou de la garantie apparemment accordée par la société à un tiers.

Circonstances de l’affaire

Une SARL poursuit son ancien gérant et associé en annulation de la convention de découvert en compte courant ouvert par ce dernier, par personne interposée, et sollicite sa condamnation à lui payer des dommages-intérêts en application de l’article L 223-22 prévoyant que le gérant est responsable envers la société des infractions aux dispositions législatives ou réglementaires applicables aux SARL. Ce dernier lui oppose la prescription triennale de l’action en responsabilité contre le gérant prévue à l’article L 223-23 du Code de commerce.

Pour juger l’action de la SARL non prescrite, une cour d’appel retient que la nullité de la convention fondée sur l’article L 223-21 précité a pour conséquences l’anéantissement rétroactif du contrat en toutes ses dispositions et l’obligation pour le titulaire du compte courant débiteur de restituer les fonds et que l’action en nullité de la convention, qui est distincte de l’action en responsabilité du dirigeant visée à l’article L 223-22, est soumise au délai de prescription quinquennale.

Décision de la Cour de cassation

L’arrêt est censuré par la Cour de cassation : la cour d’appel ne pouvait pas valablement statuer ainsi, alors qu’elle avait condamné l’ancien gérant, non pas à la restitution du solde débiteur du compte courant, à la suite de l’annulation de la convention de découvert en compte, mais au paiement de dommages-intérêts.

À noter

Aux termes de l’article L 223-21 du Code de commerce, la convention contrevenant à l’interdiction qu’il pose est nulle. Il s’agit d’une nullité absolue (Cass. com. 25-4-2006 no 05-12.734).

Conformément au droit commun de la prescription (C. civ. art. 2224), l’action en nullité de la convention se prescrit par cinq ans à compter de la date à laquelle le demandeur a eu ou aurait dû avoir connaissance de la convention.

L’acte nul est anéanti et doit être considéré comme n’ayant produit aucun effet. La société victime des agissements du dirigeant qui s’est fait consentir une convention interdite peut obtenir la remise en l’état antérieur à la convention en sollicitant la restitution du solde débiteur du compte courant. Lorsque cette remise en état ne permet pas de compenser l’ensemble du préjudice subi par la société, cette dernière peut demander en outre le paiement de dommages et intérêts. L’action est alors fondée, non sur la nullité elle-même, mais sur la responsabilité du gérant régie par les articles L 223-22 et L 223-23 du Code de commerce (CA Aix-en-Provence 7-2-1992 no 90/17917).

En l’espèce, la SARL n’avait manifestement pas sollicité la restitution du solde débiteur du compte courant à la suite de l’annulation de la convention de découvert en compte. Les juges du fond n’étaient saisis que d’une demande d’indemnisation, laquelle relève donc de la responsabilité du gérant soumise à la prescription triennale de l’article L 223-23 du Code de commerce.

Il incombe au demandeur à la nullité de la convention de veiller à tirer les conséquences de cette sanction en sollicitant, à titre principal, la restitution du solde débiteur du compte courant pour pouvoir bénéficier de la prescription quinquennale.

La solution rendue est applicable aux sociétés par actions, compte tenu de l’identité des textes applicables (C. com. art. L 225-43 pour les sociétés anonymes classiques ; art. L 225-91 pour les SA à directoire ; art. L 225-43 sur renvoi de l’article L 226-10, pour les sociétés en commandite par actions ; C. com. art. L 225-43 sur renvoi de l’article L 227-12, pour les SAS).

© Lefebvre Dalloz

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