Quelle sanction en cas de perte de la moitié d’un capital social inférieur au seuil réglementaire ?

Pour l’Ansa, il résulte de la loi du 2023-171 du 9 mars 2023 qu’une société dotée d’un capital inférieur à un seuil réglementaire n’encourt plus la dissolution judiciaire à défaut de régulariser à temps sa situation en cas de perte de la moitié de ce capital.

Lorsque les capitaux propres d’une SARL ou d’une société par actions deviennent inférieurs à la moitié du capital social, situation dite « de perte de la moitié du capital social », les associés doivent être consultés par les dirigeants, dans les 4 mois suivant l’approbation des comptes ayant fait apparaître les pertes, pour décider s’il y a lieu à la dissolution anticipée de la société (C. com. art. L 223-42, al. 1 pour les SARL et L 225-248, al. 1 pour les sociétés par actions).

Si les associés ne prononcent pas la dissolution de la société, la situation doit être régularisée (par reconstitution des capitaux propres ou réduction du capital social) au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel les pertes ont été constatées (C. com. art. L 223-42, al. 2 et L 225-248, al. 2).

A défaut de consultation ou de délibération valable des associés sur la dissolution ou en l’absence de régularisation en cas de poursuite de la société, tout intéressé peut demander au tribunal de commerce de prononcer la dissolution judiciaire de la société (C. com. art L 223-42, al. 6 et L 225-248, al. 6).

En modifiant ces dispositions, la loi 2023-171 du 9 mars 2023 a introduit un doute sur le champ d’application de la sanction prévue en cas de non-régularisation de la situation.

Depuis cette loi, les sociétés dont les capitaux propres sont devenus inférieurs à la moitié du capital social disposent d’un délai supplémentaire pour régulariser (par reconstitution des capitaux propres ou réduction du capital social) leur situation si le montant du capital dépasse un seuil fixé par décret en fonction du bilan de la société. L’introduction de ce délai supplémentaire a conduit le législateur à ajouter un quatrième alinéa aux articles L 223-42 et L 225-248 qui est spécifique aux sociétés dépassant le seuil réglementaire. Les sociétés dotées d’un capital inférieur au seuil ne disposent que du délai de régularisation prévu au deuxième alinéa des textes.

Aux termes du sixième alinéa des articles L 223-42 et L 225-248 du Code de commerce modifiés par la loi 2023-171, la dissolution judiciaire est désormais encourue « si les dispositions du quatrième alinéa n’ont pas été appliquées ». Le premier délai de régularisation figurant au deuxième alinéa n’est ainsi plus visé.

Faut-il interpréter le renvoi du sixième alinéa comme réservant désormais la dissolution judiciaire en cas de non-régularisation de la situation aux seules sociétés dotées d’un capital supérieur au seuil réglementaire ?

L’Ansa considère que la lettre du sixième alinéa des articles L 223-42 et L 225-248 ne prévoit la sanction de la dissolution pour défaut de régularisation de la situation que pour les seules sociétés dont le capital est supérieur au seuil réglementaire. A contrario, les sociétés dont le capital est déjà inférieur à ce seuil ne font pas partie du champ d’application du quatrième alinéa auquel renvoie le sixième alinéa. En conséquence, elles n’encourent plus le risque d’être dissoutes pour non-régularisation de la situation. L’Ansa ajoute que, même si cette solution peut sembler paradoxale, une sanction aussi lourde que la dissolution judiciaire ne peut résulter que d’une disposition très précise.

Elle précise que d’autres sanctions demeurent envisageables, notamment la mise en cause de la responsabilité civile des dirigeants.

À noter

L’interprétation retenue par l’Ansa est confortée par les travaux parlementaires de la loi 2023-171 qui précisent que la nouvelle procédure de régularisation a bien pour effet d’écarter la sanction de la dissolution judiciaire pour non-régularisation de la situation pour les SARL et les sociétés par actions dont le capital est inférieur au seuil fixé par décret (Rapport AN no 748 relatif à la loi 2023-171).

Selon une autre interprétation, les termes « si les dispositions du quatrième alinéa n’ont pas été appliquées » engloberaient tous les cas de non-application quelle qu’en soit la raison. Cela concernerait donc à la fois les sociétés dont le capital social dépasse le seuil réglementaire qui s’abstiennent de régulariser leur situation et les sociétés pour lesquelles le délai supplémentaire n’est pas applicable en raison d’un capital inférieur au seuil réglementaire. La prudence recommande aux sociétés dont le capital est inférieur au seuil réglementaire de régulariser leur situation eu égard aux lourdes conséquences qu’entraîne la dissolution d’une société.

Quel que soit le montant de son capital, la dissolution judiciaire d’une société est toujours encourue lorsque ses associés n’ont pas été consultés pour décider s’il y a lieu de dissoudre de manière anticipée la société ou lorsqu’ils n’ont pas pu délibérer valablement (C. com. art. L 223-42, al. 6 et L 225-248, al. 6). Indépendamment de la dissolution, la responsabilité civile des dirigeants peut être recherchée si l’absence de régularisation a causé un préjudice à la société (Rép. Briane : AN 13-3-1976 no 25656 ; Rép. Guillard : Sén. 22-2-1977 no 22217). De même, l’inaction des dirigeants peut être retenue comme faute de gestion justifiant leur condamnation à combler le passif social si la société a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire (CA Paris 22-10-2015 no 14/26208 ; voir aussi Cass. com. 8-9-2021 no 19-23.187).

 

Communication Ansa, comité juridique n° 23-038 du 4-10-2023.

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