Facturation : obligations et mentions indispensables pour la TVA

Facturer correctement la TVA est indispensable pour garantir sa déduction. Comme exposé dans le présent dossier, la législation en la matière est toutefois particulièrement dense et complexe et le risque d’erreur inévitablement présent. À ce titre, l’administration est venue récemment préciser les conditions et les modalités de régularisation d’une TVA qui aurait été facturée à tort, et le juge dans quelle mesure un remboursement de cette TVA pouvait donner lieu au versement d’intérêts moratoires.

Facture : une pièce justificative

La facture, une obligation. La loi impose une obligation de facturation entre professionnels. Un fournisseur doit ainsi adresser à ses clients une facture pour les biens vendus ou les services rendus.

Une pièce justificative pour l’impôt sur les bénéfices... Pour pouvoir les déduire de son résultat fiscal, les frais et charges exposés par l’entreprise doivent l’être dans l’intérêt de son exploitation et être appuyés de pièces justificatives suffisantes. Dans la majorité des cas, la pièce justificative par excellence est la facture : ce document est, en effet, une pièce essentielle dont la forme revêt une importance considérable à tel point que des imprécisions sur la facture peuvent parfois être à l’origine de rectifications fiscales.

... et pour la TVA. La facture constitue également un document essentiel pour l’exercice du droit à déduction de la TVA puisqu’elle permet de justifier formellement l’existence d’une créance de TVA sur le Trésor. La TVA ne pourra, en effet, être récupérable que si la dépense correspondante est exposée pour les besoins d’opérations ouvrant droit à déduction et si le montant de la TVA figure distinctement sur la facture. Si toutes les mentions obligatoires requises pour exercer son droit à déduction ne sont pas reprises sur la facture, l’entreprise pourrait se voir refuser la déduction de la TVA.

Bon à savoir. La seule omission ou inexactitude de l’une des mentions obligatoires n’entraîne pas nécessairement la remise en cause de la validité de la facture pour l’exercice des droits à déduction de la TVA. Il faut toutefois que l’entreprise soit en mesure de justifier de la réalité de l’opération.

Des mentions obligatoires

Pour que la facture joue son rôle de pièce justificative, il faut qu’elle comporte les mentions obligatoires requises.

Mentions pour toutes les factures. Même si toutes les mentions ne sont pas exigées pour la déduction de la TVA, d’une manière générale, une facture (ou facture d’acompte) doit comporter son numéro et sa date d’émission, l’identité de l’entreprise (raison sociale, lieu de son siège social, numéro Siren ou Siret, numéro RCS suivi du nom de la ville où se trouve le greffe où elle est immatriculée, forme sociale, capital social, numéro d’identification à la TVA en France). Elle doit mentionner l’identité de l’acheteur (nom ou raison sociale, adresse ou lieu de son siège social, forme sociale, capital social, numéro d’identification à la TVA en France). Si l’adresse de facturation de l’acheteur (ou du vendeur) est différente de l’adresse de son siège social, la facture doit préciser distinctement cette adresse de facturation. Elle doit indiquer la date de la vente des biens ou de la fin d’exécution de la prestation, et pour chacun des biens livrés ou des services exécutés, la quantité, la dénomination précise, le prix unitaire hors taxes (HT) et le taux de TVA, ainsi que les rabais, remises, ristournes, escomptes acquis et chiffrables lors de la vente ou la prestation et liés à cette opération. Elle doit faire figurer le montant total HT de la vente ou de la prestation, le montant de la TVA à payer par taux applicable et le montant total de la TVA due (C. com. art. L 441-3 ; CGI ann. II art. 242 nonies, A). Elle doit enfin faire figurer sur la facture le délai de règlement, les conditions d’escompte pour paiement anticipé (si elle l’applique), ainsi que le taux des pénalités de retard et l’indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 € à régler en cas de retard de paiement.

Mentions spécifiques. Si l’entreprise immatriculée au RCS exerce une activité artisanale pour laquelle une assurance professionnelle est obligatoire, par exemple une société de construction, elle doit indiquer sur la facture la garantie (décennale) en précisant le nom et l’adresse de l’assureur, le numéro du contrat d’assurance et sa couverture géographique.

Quatre nouvelles mentions obligatoires à compter du 1-9-2026 ou 2027

Quatre nouveaux éléments ont été ajoutés à la liste des mentions obligatoires : le numéro Siren de l’assujetti et de son client ; l’adresse de livraison (si elle est différente de celle du client) ; la nature des opérations (livraison de biens/prestation de services) ; l’éventuelle option pour le paiement de la TVA d’après les débits. Ces nouvelles mentions devaient en principe figurer sur les factures à compter du 1‑7‑2024 (CGI ann. II art. 242 nonies A, modifié par le décret 2022‑1299 du 7‑10‑2022). Tirant les conséquences du report du calendrier d’entrée en vigueur de la généralisation de la facturation électronique et de la transmission des données de transaction opéré par la loi de finances pour 2024 (Loi 2023‑1322 du 29‑12‑2023 art. 91), l’entrée en vigueur de l’exigence de ces nouvelles mentions obligatoires à porter sur les factures est reportée dans les mêmes conditions que l’obligation de facturation électronique et de transmission des données elle-même, à savoir : au 1‑9‑2026 pour les grandes entreprises, les membres d’un assujetti unique et les entreprises de taille intermédiaire ; au 1‑9‑2027 pour les petites et moyennes entreprises et les microentreprises (Décret 2024‑266 du 25‑3‑2024, JO du 27).

 

Facturer la TVA : à quel(s) taux ?

Dès lors que l’entreprise, établie en France, est redevable de la TVA et que l’opération est située dans le champ d’application de la TVA française, elle doit facturer la TVA. Il existe 4 taux.

Le taux « normal ». Le taux dit « normal » de la TVA est égal à 20 %. Ce taux s’applique, par principe, à toutes les opérations, dès lors qu’il n’est pas prévu par la loi un taux spécifique : il s’agit donc du taux de « droit commun ».

Le taux réduit de 10 %. Par exception à l’application du taux de droit commun, le taux réduit de 10 % est notamment applicable au bois de chauffage, aux travaux d’amélioration du logement qui ne bénéficient pas du taux de 5,5 %, à certaines prestations de logement et de camping, aux jeux et manèges forains, aux droits d’entrée des musées, aux transports de voyageurs, au traitement des déchets et à la restauration.

Le taux réduit de 5,5 %. Il concerne l’essentiel des produits alimentaires, les produits de protection hygiénique féminine, les équipements et services pour handicapés, les livres sur tout support, la fourniture de chaleur issue d’énergies renouvelables, la fourniture de repas dans les cantines scolaires, la billetterie de spectacle vivant et de cinéma, certaines importations et livraisons d’oeuvres d’art, les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des logements, les logements sociaux ou d’urgence et à l’accession à la propriété.

Le taux particulier de 2,1 %. Il est réservé aux médicaments remboursables par la sécurité sociale, aux ventes d’animaux vivants de boucherie et de charcuterie à des non-assujettis, à certains spectacles et aux publications de presse inscrites à la Commission paritaire des publications et agences de presse.

Plusieurs taux applicables pour une seule opération ? Lorsqu’une entreprise réalise plusieurs prestations qui relèvent de différents taux de TVA, elle doit en principe appliquer le taux correspondant à chacune des opérations. Une seule facture peut être établie pour facturer ces opérations à des taux différents, à condition qu’elles apparaissent bien distinctement : il suffit de mentionner par opération le taux de TVA applicable et, par taux, le montant total de la TVA et le montant total HT.

Opération complexe unique. Lorsque l’entreprise réalise une « prestation complexe unique », c’est-à-dire une prestation globale comprenant différents services indissociables de cette prestation ou qui lui sont accessoires, et si les services se voient appliquer des taux de TVA différents, un seul taux sera applicable : celui de la prestation principale (voire le taux le plus élevé si les éléments sont équivalents).

Et en cas de facture sans mention de la TVA ? Le Conseil d’État a toujours considéré que la TVA, dont est redevable un vendeur ou un prestataire de services, est un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire de ce prix (CE 14-12-1979 n° 11798). Par conséquent, l’assiette de la TVA est égale au prix convenu entre les parties, diminué notamment de la taxe exigible sur cette opération. Par suite, lorsqu’un assujetti réalise une affaire moyennant un prix qui ne mentionne aucune TVA, dans des conditions qui ne font pas apparaître que les parties auraient convenu d’ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la TVA applicable à l’opération, la taxe due au titre de cette affaire doit être entendue comme comprise dans le prix : le prix est donc présumé toutes taxes comprise (TTC).

À noter. Lorsque le vendeur et le client sont des commerçants, la Cour de cassation juge, selon un usage constant entre commerçants, que les prix s'entendent hors taxes, sauf convention contraire (Cass. com. 9-1-2001 n° 97-22.212).

Livraisons et prestations vers l’étranger : quid de la TVA ?

Les livraisons intracommunautaires. Les ventes de biens meubles acheminés vers un État de l’Union Européenne (UE) sont exonérées de TVA française. Cette exonération est soumise au respect des conditions suivantes :

  • la livraison intracommunautaire doit être effectuée à titre onéreux ;
  • elle doit être expédiée hors de France vers un autre État de l’UE ;
  • l’entreprise doit être assujettie en France à la TVA et donc avoir un numéro d’identification de TVA ;
  • le client doit être assujetti à la TVA dans son pays ;
  • le client doit être identifié à la TVA dans un État membre autre que la France ou celui de l’expédition des biens et avoir communiqué à l’entreprise son numéro d’identification à la TVA ;
  • l’entreprise doit avoir souscrit un état récapitulatif des clients.

Les exportations. Les livraisons de biens hors de l’UE sont en principe exonérées de TVA. Il faut pour cela que les biens soient expédiés ou transportés par le vendeur ou pour son compte en dehors de l’UE.

À noter. Au niveau déclaratif, les exportations doivent être portées sur les déclarations de TVA dans le cadre « Opérations non imposables », dans la case « Exportations hors UE ». Il faut également faire une déclaration en douane, via l’application Delta.

Régularisation de la TVA facturée à tort : un droit aux intérêts moratoires ?

Quand l’État est condamné à un dégrèvement d’impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l’administration à la suite d’une réclamation tendant à la réparation d’une erreur commise dans l’assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d’intérêts moratoires à compter du jour du paiement (LPF art. L 208). Il résulte de ces dispositions que le remboursement de TVA obtenu par une société après le rejet par l’administration d’une réclamation a le caractère de dégrèvement contentieux de la même nature que celui prononcé par un tribunal.

À ce sujet, dans une affaire où une société avait réclamé le remboursement d’une TVA qu’elle avait facturée à tort, assorti d’intérêts moratoires, le Conseil d’État a précisé que les intérêts moratoires sur un remboursement de TVA ne s’appliquent qu’à partir de la réclamation générant le crédit. Toutefois, un remboursement sans modification d’une décision antérieure de rejet ne constitue pas un dégrèvement contentieux et ne déclenche donc pas ces intérêts (CE 15-1-2025 n° 473736).

 

© Lefebvre Dalloz

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